Feuille de Tilleul retrouvait avec plaisir l'odeur de son propre territoire, après une visite chez la Meute de l'Éclair. Alors qu'elle accélérait, impatiente d'aller chercher Nuage Éphémère... et de repartir (fiouuu...), la skreeleen sentit l'odeur d'un chevreuil. C'est vrai que la frontière était gelée ! Elle détermina à l'odeur qu'il s'agissait d'un jeune mâle, sans doute séparé de sa mère. Elle s'approcha plus près et vit qu'il était maigre et chétif. Le faon était tout de même assez gros pour contenter les reines ainsi que les anciens. Malheureusement, la lieutenante n'avait pas un byrrgis avec elle... Tant pis, elle ne pouvait se permettre de le rater.
La louve rousse sortit d'un pas léger du buisson où elle s'était camouflée. « Du calme et de la concentration, s'encouragea-t-elle. Je dois faire croire que j'ai d'autres guerriers avec moi ». Feuille de Tilleul adoptait l'allure "patte cadencée", quand soudain, le vent en profita pour tourner subitement ; sa proie la flaira puis démarra à fond de train en avant - étant bloqué des deux côtés par des herbes plus hautes que lui et derrière par la prédatrice, il n'avais pas le choix -. Aïe, il était tout de même rapide, malgré son jeune âge. Cependant, ça faisait partie de la stratégie habituelle des rabatteurs : la brise avait juste précipité les choses.
La lieutenante le poursuivit, enchaînants tantôt les accélérations, tantôt les ralentissements. Puis vint le moment où elle devait s'arrêter, le moment où, habituellement, les acheveurs arrivaient. Bon, elle devait jouer tous les rôles. Elle stoppa donc puis recula vers un fourré. Quand le chevreuil s'en rendit compte, il ralentit, hésitant même à faire une pause. La louve profita de cet instant de distraction pour bondir. Bien qu'elle n'ait pas les pattes arrières de la Meute de l'Éclair, il était petit ; elle atteignit alors facilement son artère vitale.
Quand il s'écroula, elle s'agenouilla, le regarda dans les yeux, cherchant une dernière lueur de vie, pour accomplir le rituel ancestral du lochinvyrr. Un accord silencieux passa entre eux deux : « Tu meurs pour une bonne cause ; ta vie est précieuse. Tu nourriras ma Meute » pensa Feuille de Tilleul. Sa proie faiblissante "répondit" : « J'ai perdu ma famille, je suis seul. Je te fais don de ma jeune vie. Que ma viande te nourrisse ». Puis elle poussa son dernier soupir. La skreeleen se leva et planta ses crocs dans le corps du faon. Elle allait devoir le traîner seule jusqu'au camp.